Médecin Spécialiste en nutrition à Paris 16ème, Dr Corinne Chicheportiche-Ayache expose les principes de la chirurgie de l'obésité.
Toute démarche thérapeutique menée pour lutter contre l’obésité doit répondre à 3 objectifs :
- Prévenir et traiter les complications de cette obésité
- Réduire l’excès de poids
- Améliorer significativement le bien être psychique et social
L’obésité est une maladie (reconnue comme tel par l’OMS en 1997) en pleine progression. Cette même institution qualifie cette progression « d’épidémie »
Les données épidémiologiques en France suivent la même tendance; le registre OBEPI a ainsi publié au titre de l’année 2012 les résultats suivants :
- 47% des français sont en surpoids (IMC> 25kg/M2) (versus 38% en 1997)
- 15% des français sont obèses (IMC > 30 kg/M2)
- 1,2% des français ont un IMC > 40KG/M2 (soit 550 000 personnes !!
On note encore une accélération de la progression chez les adultes même si cette progression devient moins importante (décélération)
L’impact de l’obésité sur la santé n’est plus à démontrer ! Voici quelques données illustrant cette augmentation de la morbi-mortalité:
- L’espérance de vie est diminuée de 7,1 ans chez les femmes et de 5,8 ans chez les hommes de 40 ans (analyse de la cohorte de la Framingham Study portant sur le suivi de 3000 patients)
- Le risque de développer une Hypertension Artérielle est multiplié par 4
- Le risque de développer un Diabète est multiplié par 8
- Les complications respiratoires sont importantes (Insuffisance Respiratoire dite Restrictive) mais aussi majoration du Risque de développer un Syndrôme d’Apnée du Sommeil (SAS). Ainsi, 70% des patients porteurs d’un SAS sont des obèses
- Le risque de souffrir d’arthrose est multiplié par 5
- Le risque de développer une dépression est multiplié par 1,8
La chirurgie bariatrique permet :
- Une perte de l’excès de poids pérenne
- Une diminution des co-morbidités
- Un allongement de l’espérance de vie
- Une amélioration de la qualité de vie physique et sociale
Ainsi à titre d’exemple en 2007, une étude anglaise a démontré que 7 ans après un By-Pass Gastrique, on constatait
- Une réduction de 40% de la mortalité globale
- Une réduction de survenue du diabète de 92%
- Une réduction du risque cardio-vasculaire de 56%
- Une réduction de développement du SAS de 95%
Ces résultats sont impressionnants mais l’engouement récent autour de cette chirurgie (alimenté par les déceptions et les échecs des méthodes traditionnelles telles que les régimes amincissants et les traitements médicamenteux) ne doit pas faire oublier les conditions incontournables de la mise en œuvre de ce type de chirurgie.
- A qui s’adresse-t-elle?
Différentes sociétés savantes (ANAES notamment) ont émis des recommandations sur les indications et contre-indications à cette chirurgie.
Indications :
- IMC > 40kg/m2 ou >35kg/m2 avec deux co-morbidités associées
- Haut niveau de motivation associé à un délai de réflexion conséquent
Contre-indications :
- Absolues :
- Alcoolisme et toxicomanie
- Troubles psychiatriques (dépressions sévères non traitées, psychoses, états suicidaires).
- Obésité d’origine endocrinienne
- Cancers et pathologies inflammatoires chroniques du tube digestif
- Boulimie
- Relatives :
- Stomatologiques (difficultés de mastication)
- Troubles moteurs de l’oesophage
- Déficit intellectuel
2- Comment est posée l’indication ?
- Elle est réservée aux obésités massives ou sévères après échec des thérapeutiques conventionnelles ( notamment les régimes amincissants ) sur la base d’un consensus multidisciplinaire
- Après avoir éliminé toutes les contre-indications vues plus haut et évalué le niveau de motivation et de capacités d'observance pour les mesures diététiques à mettre en oeuvre en post opératoire
- Sont impliqués dans cette décision
- Le chirurgien digestif , comme tout type de chirurgie, doit avoir une expérience conséquente de ces techniques et choisira celle qui est la plus adaptée
- Le nutritionniste
- Réalisera une courbe de poids destinée à comprendre les mécanismes historiques de la prise de poids (recherche d’évènements hormonaux, émotionnels marquants ou la prise de médicaments oréxigènes)
- Eliminera une pathologie endocrinienne pouvant expliquer le surpoids ( Hypothyrîdie, insuffisance hypophysaire, syndrôme des ovaires polykystiques,..)
- Recherchea une prise de médicaments oréxigènes pouvant expliquer la prise de poids ( certains antidépresseurs et neuroleptiques, des antidiabétiques oraux, des cures longues de corticothérapie orale, traitement hormonal substitutif, etc...)
- Évaluera l’état nutritionnel de départ et l’absence de carences ou insuffisances en vitamines et minéraux
- Recherchera des complications métaboliques de cette obésité (HTA, Diabète, Hypercholestérolémie, Hyperuricémie, élévation des enzyles hépatiques, etc..)
- Mènera une enquête alimentaire afin de rechercher des anomalies du comportement alimentaire et de l’équilibre nutritionnel qui devront faire l’objet d’une rééducation post opératoire si besoin afin de garantir le maintien de la perte de poids à terme
- Fera signer au patient un consentement dans lequel ce dernier s'engagera à un suivi nutritionnel
- Le cardiologue réalisera un bilan cardiaque complet destiné à identifier toute pathologie ischémique ou insuffisance cardiaque
- Le pneumologue vérifiera les paramètres de la fonction respiratoire (Epreuves Fonctionnelles Respiratoires) et réalisera éventuellement un enregistrement du sommeil afin de détecter un SAS.
- Le gastro-entérologue réalisera une fibroscopie oeso-gastro-duodénale afin de vérifier l’absence de gastrite, érosions gastriques ou oesophagites avec présence d’un germe : l’ Hélicobacter Pylori devant être absolument éradiqué avant l’intervention chirurgicale
- Un psychologue ou un psychiatre évaluera l’état psychique du patient et vérifiera l’absence de contre-indications psychiatriques
- Une échographie abdominale peut aussi être prescrite afin de détecter une lithiase vésiculaire (calculs dans la vésicule)
- Et enfin l’anesthésiste sur la base des éléments sus cités donnera son avis sur la faisabilité de l'acte d'anesthésie
On encouragera les patientes en âge de procréer à mettre en oeuvre une contraception durant la première année après un By Pass ( éviter les grossesses ).
Par ailleurs, un dossier d'entente préalable sera monté afin de faire l'objet d'une prise en charge par la Sécurité Sociale.